Safiatou Acquaviva, étudiante de 25 ans et athlète de haut niveau, a participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024 en défendant les couleurs de la Guinée. Elle nous raconte :
Bonjour Safiatou, merci de nous ouvrir les portes de ton studio et surtout celles de ton univers. Peux-tu te présenter alors ?
Bonjour, moi c’est Safiatou, j’ai 25 ans, je viens d’Aix-en-Provence et j’ai récemment participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024 sur 100 mètres et j’ai également été diplômée d’un Master 2 en justice pénale internationale à Paris Panthéon-Assas. J’ai eu mon master l’année dernière et j’ai validé ma deuxième année de langue cette année.
Étudiante et sportive de haut niveau. Comment gères-tu ce double statut ?
Je dirais que d’abord, il y a la gestion de ce double parcours sport étude par l’université en elle-même, par les universités. Et puis, il y a ma propre expérience, ma propre gestion finalement, de ce statut d’étudiante sportive.
On a un statut de sportif de haut niveau, même si c’est vrai que c’est quand même un statut plutôt de façade. Dans la faculté d’Aix, là où j’ai commencé mes études de droit, ce statut me permettait par exemple de choisir mes horaires de TD, donc c’était assez utile, notamment pour les entraînements. Je me souviens également que j’avais la possibilité d’avoir une preneuse de notes ou un preneur de notes en deuxième ou en troisième année, lorsque je ne pouvais pas assister aux cours. Par contre, c’est vrai que c’était un peu particulier parce que c’était à moi de faire les démarches pour trouver cet étudiant. Ça devait automatiquement être un étudiant de ma promotion et c’était assez stressant parce que je me demandais si les notes tout simplement allaient me convenir. Parce que chaque étudiant a sa façon de prendre ses notes.
J’ai arrêté l’athlétisme à un moment donné dans mes études. Les études et particulièrement les études de droit, ce sont des études qui sont très compliquées. Le travail, enfin la charge de travail est colossale. Dès la licence, j’avais entre 5 à 8 entraînements déjà par semaine. J’ai eu la chance d’être entourée par ma mère, par ma soeur qui était là pour m’épauler.
Mais concrètement, voilà, c’est moi qui cours, qui vais m’entraîner, c’est moi qui étudie, qui prends le temps de faire tout ça jusqu’à pas d’heure. Et avec le temps, cela devenait très éprouvant psychologiquement. Concilier deux projets et en plus, ce sont des projets ambitieux parce que j’avais des attentes, c’était difficile. Alors les Jeux Olympiques et les études supérieures, bon bah j’ai réussi.
J’ai eu la chance finalement de réussir, mais ça a été un vrai combat. C’était vraiment un combat. Le chemin était difficile.
Tu es logée en résidence CROUS et durant ton master, tu étais boursière. Comment est-ce que ces aides ont impacté ta carrière en général et ta préparation aux Jeux Olympiques 2024 ?
Alors justement. Merci beaucoup. Merci au Cnous, merci aux Crous parce qu’ils ont eu une part plus que déterminante dans mon parcours universitaire et sportif.
Ma mère, elle, est coiffeuse, donc elle ne pouvait absolument pas nous aider et nous épauler financièrement. On vivait dans un HLM, les fins de mois étaient compliquées et donc avec ma grande soeur, nous avions eu le droit d’avoir un logement universitaire ainsi que la bourse. Moi j’étais personnellement en échelon six ou sept. En tout cas, c’était l’avant dernier échelon de la bourse, donc je recevais entre 450 et 500 € par mois.
Pour moi c’était énorme, jusqu’à présent pour moi je trouve que c’est énorme. Voilà, cet argent pour moi, c’était mon seul et unique soutien et j’arrivais à payer ma chambre étudiante, à faire mes courses, à payer quelques équipements pour l’athlétisme et je ne sais pas comment, mais j’arrivais quand même à mettre un peu de de côté, donc c’était vraiment tout.
Et c’est vrai qu’avec ce double projet, il était inenvisageable de travailler à côté, au risque finalement de rajouter de la fatigue en plus de celle des entraînements et de me blesser en fait. Grâce à cette aide, j’ai pu envisager des projets. C’est énorme.
Mentalement, il y a une barrière qui saute. Il y a des choses vraiment auxquelles je n’aurais jamais pensé.
La bourse et le logement pour tous a rendu accessibles des opportunités qui me semblaient vraiment hors de portée.
Donc, pour les Jeux sur Paris, il avait été décidé que certaines résidences universitaires Crous, proches notamment des sites de compétition, allaient être réquisitionnées pour loger, il me semble que dans notre cas, c’était du personnel sanitaire. Et donc c’était pendant les mois de juillet et août et ma résidence a été concernée par cette réquisition.
Et donc moi, dans mon cas, le CROUS m’avait proposé ; alors ils ont proposé déjà à tous les étudiants d’être relogés dans une autre résidence ; d’être relogée dans une résidence à Créteil. Et c’est là qu’en fait le CROUS est réellement intervenu dans mon projet sportif parce que je leur ai expliqué tout simplement qu’en fait, mon lieu d’entraînement était sur Ivry-sur-Seine et qu’en plus, je me déplace exclusivement à vélo. Donc ça allait être très compliqué pour moi en fait. Et en fait le directeur de mon Crous, Monsieur Saffache, a été très réactif. Le CROUS de manière générale a été très très réactif. Et donc avec ce statut de sportif et donc cette situation particulière, j’ai pu être relogée du coup dans Paris XIII à la résidence Louise Bourgeois et c’est assez idéal parce que je suis à dix minutes à vélo de mon lieu d’entraînement, donc ça n’a absolument pas gêné ma préparation pour les Jeux.
Donc voilà, ça c’était vraiment top. Et c’est vrai qu’avec cette année des Jeux, les objectifs étaient beaucoup plus sportifs, même si mon objectif c’était quand même de valider mon année mais étaient beaucoup plus sportifs. Et c’est vrai que l’expérience des jeux a vraiment marqué mon parcours sportif.
Que dirais tu à un futur étudiant en filière sport études qui souhaite se lancer dans le supérieur tout en continuant sa discipline en compétition ?
Alors bon, je commencerais par lui souhaiter bonne chance. C’est vraiment de se préparer à l’échec, de rester humble et de ne pas trop s’en demander. Parce que concilier sport et études, c’est exigeant. Voilà. S’il parvient à équilibrer sport, études, il est certain qu’il va obtenir beaucoup de compétences. Des compétences qui sont précieuses, qui sont rares, qui le prépareront à l’avenir et qui feront la différence, je pense, dans n’importe quel domaine.
Donc voilà, je terminerai peut-être en lui disant qu’il ne faut vraiment pas avoir peur de ses ambitions. Il ne faut pas avoir peur de faire des erreurs, il faut se lancer, il faut essayer. Moi je me suis trompée, pas mal de fois, mais je ne vais pas me critiquer pour autant parce que je sais que chaque expérience, même imparfaite, m’ont permis de me concentrer, de me développer en tant que sportive, en tant qu’étudiante, en tant qu’individu et je pense que ce sera la même chose pour cet étudiant qui se lance dans un parcours pareil.